VALLIER (SAINT-)



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



VALLIER (SAINT-)



VALLIER (SAINT-) (Sanctus Valerius). - C'est un chef-lieu de canton et un gîte d'étape sur la grande route de Lyon à Marseille, entre Valence et Vienne, à 32 kilomètres de la première de ces villes. Sa population est de 2,409 individus. Il y a un bureau de poste aux lettres, un bureau d'enregistrement, une brigade de gendarmerie à cheval et un relais pour la poste aux chevaux.
Cette petite ville est au confluent du Rhône et de la rivière de Galaure, à l'entrée de la vallée de ce nom. On vient d'y construire un pont en fil de fer sur le Rhône pour communiquer avec le département de l'Ardèche. Il y a trois foires par an et un marché le jeudi de chaque semaine. On y fabrique de la coutellerie, de la faïence, de la chaux et de la grosse chapélerie. Il y a des tanneries et des fabriques d'ouvraison de la soie.
Les établissemens industriels les plus importans sont ceux de MM. Chartron, qui ont considérablement étendu et perfectionné l'ouvraison et le commerce des soies dans cette localité. La soie subit dans leurs fabriques toutes les préparations dont elle est susceptible, et, ce qui ne se rencontre peut-être nulle autre part, le cocon du ver-à-soie n'entre chez eux que pour en sortir en tissus. MM. Chartron occupent habituellement 300 ouvriers à l'ouvraison et aux tissus dans les deux fabriques de Saint-Vallier et de Saint-Donat. Ce nombre augmente de 200 à l'époque de la filature.
Les fabriques de Saint-Vallier sont vastes, bien distribuées et parfaitement ordonnées. Elles sont mues par les eaux de la Galaure. Sur la façade principale de ce bel établissement sont peints, avec une enseigne analogue, les attributs du commerce et de l'industrie. Cette belle façade, cette porte d'entrée, cette inscription, ces emblêmes enfin, font un effet très pittoresque : on croit entrer dans un temple consacré à l'industrie et à tous les arts utiles. Les bâtimens de cette fabrique sont dominés par un coteau au sommet duquel est un pavillon d'où l'on jouit du plus beau point de vue.
On voit sur la Galaure, à Saint-Vallier, le premier pont suspendu construit par MM. Seguin. Ce n'est qu'une passerelle pour faciliter aux habitans de la

Porte Saint-Félix à Valence
partie haute de Saint-Vallier le moyen de communiquer de l'une à l'autre rive, sans avoir besoin d'aller passer sur le pont en pierre qui se trouve sur la grande route. Ce petit pont est l'essai par lequel MM. Seguin préludèrent à la construction du pont de Tournon.
L'église de Saint-Vallier est assez remarquable pour une petite ville. On lit au-dessus de la porte d'entrée l'inscription suivante :
DÉTRUITE PAR L'HÉRÉSIE EN 1583, RÉTABLIE EN 1786.
Tout annonce que cette ville est ancienne, sans que rien détermine précisément l'époque de sa fondation. Il y a plusieurs siècles qu'on y trouva une colonne milliaire sur l'ancienne voie romaine d'Arles à Vienne. Elle fut envoyée à Lyon, au cardinal Alphonse de Richelieu, vers le milieu du XVIIme siècle, et portait, dit-on, l'inscription suivante :
T. CLAVDIVS CAESAR GERMANICVS PONT. MAXIMVS IMPERATOR XXV
Titus Claudius César Germanicus, souverain pontife, empereur. 25.
(Ces 25 milles marquaient la distance de 6 lieues un quart de Vienne.)
On sait aussi que les environs de Saint-Vallier furent, en 1188, le lieu du rendez-vous des gentilshommes du Dauphiné pour la troisième croisade.
On y remarque la belle habitation de M. le comte de Chabrillan, gendre de feu M. de Saint-Vallier, l'un des pairs de Valence. C'est un château de forme gothique, dont la façade, embellie d'une architecture moderne et d'une peinture à fresque, fait le plus bel effet en perspective, vue de la grande route en venant de Marseille. C'était, dans l'origine, une maison de plaisance de Diane de Poitiers. Les jardins correspondent à la beauté de l'habitation : ils ont été tracés sur les dessins de Lenôtre.
Les sites de Saint-Vallier sont pittoresques et rians : des prairies arrosées, des coteaux chargés de vignes, y reposent agréablement la vue.
A une demi-lieue vers l'est, dans la gorge étroite et sauvage de la Galaure, sont les ruines du château de Saint-Barthélemi-de-Vals, et le curieux escarpement de Roche-Taillée : c'est un roc qu'on a ouvert à pic du haut en bas, pour le passage du chemin de Saint-Vallier dans la vallée. On attribue cet ouvrage remarquable aux dauphins de Viennois, anciens possesseurs du château, dont on voit à gauche les restes gothiques sur un roc isolé, presque inaccessible et pour ainsi dire entouré par la rivière.
En remontant au nord et à dix minutes de Saint-Vallier, on trouve le château des Rioux, à droite et à quelques centaines de mètres de la grande route. Il est habité par M. Reymond père, cet ancien et habile professeur de chimie à qui l'on doit le bleu-Reymond. C'est aux Rioux que, secondé par un fils et un gendre dignes de son talent et de sa réputation, il a établi une fabrique de produits chimiques.
Le château est situé au pied d'une montagne, dans laquelle est une combe où M. Reymond a créé des jardins et des bosquets qui font de cette solitude un séjour fort agréable. Ce sont des terrasses ornées de statues antiques, des kiosques, des belvédères, des labyrinthes, de belles plantations, des eaux qui serpentent et tombent en cascades, des points de vue habilement ménagés ; c'est enfin, eu égard à la localité, tout ce que peut inspirer l'amour éclairé des arts.
M. Reymond est né à Saint-Vallier le 24 mars 1766. D'abord médecin, puis élève, en 1794, de cette école normale où professèrent avec tant d'éclat les Fourcroi, les Vauquelin et les Bertholet, il fut choisi par eux, à la création de l'école polytechnique, pour la place de préparateur et de répétiteur de chimie. Il a occupé à Lyon, pendant 12 ans, la chaire de chimie particulièrement appliquée à la teinture, et par ses leçons et ses expériences il a puissamment contribué aux progrès de la science. A l'exposition des produits de l'industrie française en 1819, il a reçu du gouvernement, sur la décision du jury, une médaille d'or et la décoration de la légion-d'honneur, pour ses belles découvertes dans la teinture des soies.
Saint-Vallier est aussi la patrie de Jean-Denis-Réné Lacroix, comte de Saint-Vallier, né le 6 octobre 1756, mort à Valence le 13 mars 1824. Il fut comte de l'empire, sénateur, titulaire de la sénatorerie de Gênes, et mourut pair de France.

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